Un nouveau dispositif de protection qui mise sur les facultés des personnes plutôt que sur leurs limitations


C’est le 1er novembre 2022 que devrait entrer en vigueur la Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes. Faisant suite à l’adoption du projet de loi 18 par l’Assemblée nationale en juin 2020, les nouvelles dispositions légales font de la tutelle l’unique régime offert aux personnes inaptes en plus de la représentation temporaire et du mandat de protection. Or, toutes ces mesures requièrent une évaluation psychosociale de la personne, une activité à haut risque de préjudice, pour être mises en œuvre par le tribunal.

Étant donné que l’exercice qui consiste à procéder à l’évaluation psychosociale d’une personne dans le cadre de la tutelle au majeur ou d’un mandat de protection (incluant également la représentation temporaire du majeur inapte[*]) est réservé exclusivement aux travailleurs sociaux, ces derniers pourront compter sur le soutien de leur ordre professionnel pour leur offrir les formations nécessaires afin d’atteindre les niveaux de connaissances et de compétences requis pour l’exercer. Ainsi, les travailleurs sociaux, plus que jamais, pourront faire la différence dans la vie des personnes visées, en misant sur leurs forces et leurs facultés, pour les aider à exercer leurs droits et à conserver une plus grande autonomie dans leur vie. Ces formations permettront également aux travailleurs sociaux de jouer adéquatement leur rôle auprès des personnes visées et leurs familles en leur expliquant les différentes mesures de protection et leur portée respective.

Trois mesures importantes

La nouvelle Loi introduit la nécessité pour le tribunal de se pencher sur la modulation de la tutelle. Celui-ci devra, en effet, déterminer quels sont les actes que la personne visée est toujours en mesure d’exercer et lesquels doivent être confiés à son tuteur. Ces actes sont établis en fonction de ses facultés, c’est-à-dire selon ses possibilités effectives de réaliser des choses dans sa vie.

Tout comme l’évaluation médicale, l’évaluation psychosociale de la personne demeure un élément incontournable sur lequel s’appuieront les tribunaux. La décision de moduler ou non une tutelle sera, entre autres, prise en fonction des recommandations de la travailleuse sociale ou du travailleur social dans son rapport d’évaluation psychosociale. Ainsi, chaque personne sous tutelle pourra bénéficier d’une mesure moins restrictive au niveau de ses droits, plus respectueuse de son autonomie et mieux adaptée à sa propre réalité.

Une nouvelle mesure fait son apparition, la représentation temporaire. L’idée est de permettre à une personne inapte de se faire représenter ponctuellement, le temps que s’exécute un acte juridique précis, après quoi la mesure est levée. Encore une fois, l’objectif est de réduire l’impact de la mesure de protection. À noter que dans sa version originale, le projet de loi ne prévoyait pas l’obligation d’obtenir une évaluation psychosociale pour cette mesure.

En ce qui concerne le mandat de protection, celui-ci demeure. Toutefois, la nouvelle Loi lui apporte des changements dont certains sont très significatifs. Par exemple, les principes devant présider à son homologation et à son exécution, à son encadrement et aux responsabilités du mandataire se rapprochent beaucoup dorénavant, à certains égards, de celles que doivent assumer les tuteurs. Le travailleur social devra donc prendre en considération ces changements dans le cadre d’une évaluation psychosociale en vue de l’homologation d’un mandat de protection.

Pendant la transition

Outre les formations qui sont présentement en élaboration, certaines modalités transitoires sont à prévoir. À cet effet, un groupe de travail initié par le Curateur public du Québec se penche sur le sujet. L’Ordre fera connaître très bientôt la conduite professionnelle attendue à cet égard.  

Les travailleurs sociaux : toujours incontournables dans le domaine de la protection des personnes

Depuis toujours, les travailleurs sociaux jouent un rôle majeur au niveau de la protection et des droits des personnes en perte d’autonomie. C’est ce qu’a reconnu l’État en accordant en exclusivité aux travailleurs sociaux l’activité visant à procéder à l’évaluation psychosociale d’une personne dans le cadre de la tutelle au majeur ou du mandat de protection. Dans les années 80, c’est sous l’influence de travailleurs sociaux que le Curateur public du Québec effectuait son virage vers la personne, en instaurant les mesures de protection que nous connaissons aujourd’hui et que la nouvelle Loi vient améliorer.

Plus récemment, l’Ordre a collaboré étroitement avec le Curateur public dans le cadre des travaux sur la modulation de la tutelle et la notion de facultés. D’ailleurs, ce sont les représentations de l’Ordre qui ont amené le législateur à inclure l’évaluation psychosociale pour la mesure de représentation temporaire du majeur inapte. C’est donc un défi emballant qui attend les travailleuses sociales et les travailleurs sociaux avec cette nouvelle Loi – en continuité avec les principes de la réforme de 89-90 – qui leur permettra de prendre davantage en compte les forces et les facultés des personnes de façon à limiter le plus possible les entraves à leur liberté, tout en bénéficiant d’une protection adéquate et adaptée à leurs besoins.

Pour plus de détails concernant les modalités de la nouvelle loi, nous vous invitons à lire attentivement les prochains textes produits par l’Ordre à ce sujet et à consulter les fascicules disponibles sur le site du Curateur public du Québec.

[*] La disposition de la Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes qui modifie le libellé de l’activité réservée n’inclut présentement pas la représentation temporaire. Des démarches sont toutefois en cours pour corriger cet oubli du législateur et l’intégrer au libellé.